L’oeuvre de Jung est à la fois très vaste et très dense. De plus, certaines idées, concepts et modèles qu’il a développés ont évolué au cours des recherches qu’il a élaborées tout au long de sa vie. Parmi ces modèles, certains sont plus connues du grand public. C’est le cas de la théorie des types psychologiques. Celle-ci s’appuie sur un ensemble de 4 fonctions que Jung a identifiées et qui sont pour lui à la base du fonctionnement de la conscience humaine.
Les 4 fonctions psychologiques
Dans L’homme à la découverte de son âme, Jung développe ce qu’il considère comme étant les 4 fonctions de la conscience. Pour chacune d’entre elles, il lui confère une dimension soit rationnelle et irrationnelle. Distinguons-les:
- La sensation (fonction irrationnelle) rassemble les perceptions sensorielles qui nous permettent de percevoir le monde des objets et de nous orienter dans celui-ci. La dimension irrationnelle de cette fonction est liée au fait qu’on ne peut pas la guider ou la moduler: nous percevons l’espace d’une certaine manière et nous ne pouvons pas modifier cette perception. C’est la même logique, appliquée à la temporalité cette fois, qui explique la dimension irrationnelle de l’intuition (3ème fonction ci-dessous).
- La pensée (fonction rationnelle) a pour visée de classer les objets. Dans le cas présent, c’est cette dimension de classement et de tri qui confère à la fonction pensée sa dimension rationnelle: le moi va jouer un rôle actif dans la modulation du flux de la pensée.
- L’intuition (fonction irrationnelle) est la sensibilité instantanée à capter l’origine des choses et à pressentir leur devenir. Il s’agit donc de la capacité à positionner un objet dans une perspective temporelle ;
- Le sentiment (fonction rationnelle) détermine quant à lui la valeur qu’un objet identifié a pour le moi (agréable/désagréable ou attachant/repoussant, par exemple). Ici, c’est cette dimension d’évaluation qui confère à cette fonction sa dimension rationnelle. Au même titre que pour la fonction pensée, le moi joue un rôle actif dans la modulation de son appréciation de l’objet.
La fonction principale
Chacun d’entre nous a une tendance naturelle à investir une fonction en particulier qui va devenir sa fonction principale. C’est cette fonction principale qui va être à la base de la caractérisation de notre type psychologique. On parlera d’un « type pensée » ou d’un « type sentiment » par exemple. L’autre fonction du même ordre (rationnelle par exemple pour un « type pensée ») est alors mécaniquement rejetée dans l’inconscient et devient la fonction inférieure.
Les deux autres fonctions, qui sont aussi toutes deux du même ordre (irrationnelles dans notre exemple), deviennent alors des fonctions auxiliaires investies d’un niveau d’énergie intermédiaire. On distinguera une fonction secondaire et une fonction tertiaire en fonction de leur stade de développement.
Selon Jung, le fait que nous soyons amené à développer une fonction principale et donc à nous spécialiser est probablement liée à un aspect énergétique. En effet, il semblerait que notre psyché n’ait pas la capacité d’investir simultanément toutes les fonctions avec la même intensité, un peu comme le fait d’être droitier ou gaucher.
Cependant, déterminer la fonction principale ne permet pas à elle seule de déterminer le type psychologique d’un individu. Pour caractériser son fonctionnement psychique global, il faut également considérer la manière avec laquelle le moi investit l’énergie.
Intoversion et extraversion
Afin de correctement spécifier le type psychologique d’une personne, on doit ajouter le mode d’investissement de l’énergie à la fonction principale: extraversion ou introversion. C’est donc la combinaison des 2 qui va permettre de déterminer le type psychologique.
« Chez l’extraverti, la libido consciente se dirige habituellement vers l’objet […] dans le cas de l’introverti, c’est l’inverse qui se produit » (Von Franz, 1990, p. 27). La combinaison entre la spécialisation d’une des 4 fonctions comme fonction principale et le mode d’investissement de la libido (extraverti ou introverti) conduit dès lors à une répartition des individus en 8 types psychologiques (Von Franz, 2001, p. 75 à 90):
Pensée | Sentiment | Sensation | Intuition | |
---|---|---|---|---|
Extraversion | Pensée Extravertie | Sentiment Extraverti | Sensation Extravertie | Intuition Extravertie |
Introversion | Pensée Introvertie | Sentiment Introverti | Sensation Introvertie | Intuition Introvertie |
Exemple de type psychologique « pensée extravertie »
Par exemple, si une personne a comme fonction principale la pensée (rationnelle) et a plutôt une tendance extravertie, nous dirons qu’elle est de type « pensée extravertie ». Nous pouvons alors représenter ses fonctions psychologiques comme sur le schéma ci-contre. En effet, les 2 fonctions rationnelles sont situées sur le même axe et si l’une est la fonction principale, l’autre devient automatiquement la fonction inférieure.

Les 2 fonctions irrationnelles vont alors prendre la place de fonctions auxiliaires. On pourra donc avoir 2 configurations en fonction de ce que l’une ou l’autre de ces fonctions constitue la fonction secondaire:

avec la sensation comme fonction secondaire

avec l’intuition comme fonction secondaire
L’énergie psychique circule en suivant l’ordre des fonctions qui sont comme des câblages ou des chenaux d’acheminement de cette énergie:
- Du conscient vers l’inconscient: 1 – 2 – 3 – 4
- De l’inconscient vers le conscient: 4 – 3 – 2 – 1
Ce que cela signifie pour vous
La typologie jungienne a été a la base de nombreux tests de personnalité encore très utilisés aujourd’hui, notamment au sein des entreprises (à tort ou à raison d’ailleurs). Le plus célèbre d’entre eux est le MBTI ou Myers Briggs Type Indicator.
Mais l’essentiel n’est pas là. Le plus important, pour vous, est de pouvoir prendre conscience de la manière avec laquelle votre fonction principale vous fait envisager le monde. Votre type psychologique, c’est, d’une certaine manière, la paire de lunette que vous portez en permanence et qui colore votre rapport au monde. Il s’agit d’en être pleinement conscient, et ce pour plusieurs raisons.
D’abord, votre fonction principale est votre réel point fort: c’est le moteur de votre fonctionnement psychique et il est essentiel que vous sachiez quel le vôtre pour travailler avec elle en parfaite harmonie. En effet, on ne guide pas de la même manière une voiture, un voilier, un cheval ou un avion de la même manière.
Ensuite, il est important de garder à l’esprit que, seule, la perspective de la fonction principale peut devenir enfermante si nous n’y prenons pas garde. Par exemple, une personne très versée dans la pensée devra veiller à garder le contact avec ses sentiments. Sinon, elle risque de voir la vie s’appauvrir et devenir plus aride, enfermée qu’elle serait alors dans un univers mental uniquement peuplé de concepts et d’idées.
Enfin, il faut savoir que si les fonctions secondaire, tertiaire et inférieure sont par définition moins élaborées et affirmées que la fonction principale, il est possible de les développer. C’est un peu comme un muscle: l’exercice permet de les renforcer. C’est une excellente nouvelle et cela implique que vous n’êtes pas obligés de marcher sur un seul pied: vous pouvez développer vos autres potentialités.
La vie peut alors prendre plus d’ampleur et de profondeur. La vie peut devenir plus vivante, tout simplement.
Sources
- Jung C.G. (1987, nouvelle édition). L’homme à la découverte de son âme (Dr Roland Cahen, Trad.). Paris : Albin Michel. (Œuvre originale publiée en 1943)
- Von Franz M.-L. (2001). Psychothérapie : l’expérience du praticien (Jacqueline Steib-Blumer, Georges Hude et Etienne Perrot, Trad.). Paris : Dervy. (Œuvre originale publiée en 1990)
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